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L'Inde de l'envers: dans les montagnes de l'Himachal Pradesh

11ème jour - Manali

 

Les ronces de l'Himalaya

 

Je me réveille tôt, me précipitant sur le rideau pour voir ce que le ciel nous a réservé: grand bleu. A 7h30, je pars prendre quelques photos des paysages hier bouchés, aujourd'hui resplendissants. Les précipitations des derniers jours ont drappé les hauteurs boisées d'une enveloppe d'un blanc vif, accentué par le soleil déjà très haut pour une fin de mois de Mars (nous sommes bien plus proches de l'Equateur qu'en France).

Nous prenons notre petit-déjeuner dans une petite échoppe tenue un couple népalais. Plats basiques, typiques, mais bien nourissants, et c'est bien l'essentiel. Je teste mes premiers Momos, sorte de raviolis de légumes, à la vapeur ou frits, plus l'omelette, qui va surement devenir la base alimentaire de mes prochains jours de rando (simple et nourissante). Il faut également composer avec l'absence de viande rouge (par contre, on a du poulet partout), me poussant à aller chercher les protéines ailleurs.

Nous partons vers 9h30 pour une ballade le long de la rivière, en remontant vers le haut de la vallée. En chemin, nous sommes rejoints par un, trois, puis sept chiens qui trainaient par là, et qui décident de nous accompagner deux bonnes heures durant. Après de longs kilomètres passés dans le lit du cours d'eau à chercher un moyen d'atteindre l'autre rive, nous tombons sur un petit pont en bois nous permettant de nous diriger vers une cascade visible depuis toute la vallée.

Le sentier taille droit dans la montagne et nous emmène dans une fôrêt clarisemée, jusqu'à une petite baraque (apparemment un refuge fermée car hors-saison) où nous nous posons quelques minutes. Les deux courageux chiens nous tenant compagnie en profitent pour s'accorder une petite sieste. Le reste de la montée vers la cascade (et le retour vers la vallée est nettement plus tortueux: la faute à d'épaisses et fournies ronces calibre Himalaya, qui se feront un plaisir de laisser quelques souvenirs dans nos mains non-gantées (5 échardes, dont 4 enlevées). Cela me servira de leçon.

De retour à la guest-house, je discute longuement avec Felix, la soixaintaine, qui a quitté son Bourg Saint Maurice pour 4 mois en contrées indiennes. Que des personnes intéressantes par ici.

4 heures de marche, à peine essoufflé

Le salon d'une "boulangerie" locale.

Le patron m'a plusieurs fois proposé sa "Magic Chocolate Bar".

A en juger aux peintures ornant les murs, on peut deviner quel genre de magie entrait dans sa composition.

12ème jour - Manali

 

Comme un gamin

 

Après la découverte vient l'exploration. Je pars assez tôt (7h30) vers le flan de montagne surplombant notre logis. Anand me donne quelques indications sur le sentier à suivre, mais je ne les suivrai que très sommairement. Quelques minutes de marche en sous-bois laissent place à une trouée d'où le paysage est stupéfiant. Les contrastes entre le bleu vif d'un ciel de nouveau sans nuages, le vert dense des sapins élancés, et le blanc immaculé des sommets avoisinant me poussent à continuer ma marche vers les cimes tant que possible. Je progresse à travers une forêt clairsemée d'arbres imposants, refuge d'une faune invisible mais dont je perçois la présence de par les nombreuses empreintes repérées tantôt dans la boue, tantôt dans la neige, que j'atteins après deux heures d'effort. L'altitude et/ou le petit déjeuner frugal du matin m'oblige à m'arrêter quelques minutes, afin de remettre à l'endroit une tête qui commençait à légèrement tourner.

Dans la partie finale de l'ascension, je longe l'arête séparant versant Nord et Sud, où j'achève ma montée dans un bon mètre de neige de printemps. J'atteins avec difficulté la souche d'arbre que je m'étais fixée comme objectif, symbole de mon "sommet du jour", avant de me lancer dans la pente et dévaler à grandes foulées le flanc le plus enneigé de la montagne. Je prends un plaisir enfantin et assez jouissif à m'enforcer dans la neige et descendre à grande vitesse (pas toujours contrôlée) ces quelques centraines de mètres de nature sauvage, avec les sommets de l'Himalaya en toile de fond. Et là, sans prévenir, je me mis à hurler. Comme ça. Comme l'expression d'un trop-plein d'enthousiasme et de plénitude devant ces purs plaisirs qui s'offrent à moi, seul face à ce que je suis venu chercher: la montagne, la vraie.

13ème jour - Kothi/Vallée

 

Incorrigible

 

Un énorme retard m'oblige à synthétiser les prochains jours. Je commence par ce 31 Mars:

-jeep avec le frère d'Anand

-location de matos de ski années 90

-20 minutes vers Kothi sur la "Highway" reliant Manali à Leh.

-Travailleurs (et beaucoup de travailleuses) à casser des cailloux pour élargir la route.

-2 heures de marche en forêt puis descente à skis.

-Sensation d'être SEUL avec la nature

-retour au village; les touristes indiens sont marrants: ils savent pas DU TOUT marcher dans la neige. Je plaide coupable de discret foutage de gueule.

-retour à Manali à pied depuis Kothi (16km, 2h30 de marche), skis sur le dos. Magnifique descente puis laborieuse traversée de la vallée sous un soleil de plomb et pollution. Les combinaisons style années 90 proposées par les baraques de location m'amusent bien.

Ces skis sont attachés n'importe comment.

Mais bordel, il est où ce télésiège?

14ème jour - Hauteurs de Manali

 

Chiens méchants

 

Petit tour sur les sentiers déjà empruntés au dessus de Manali, accompagné de Beate et Ingrid, deux norvégiennes en voyage au long cours (1 an entre Amérique Centrale et Asie). Nous suivons un sentier qui disparait rapidement, nous laissant errer dans les vergers escarpés qui parsèment la montagne. Comme il y a deux jours, un chien se joint à notre marche et nous accompagne jusqu'à la rencontre d'une meute (le terme est choisi) de chiens très agressifs. Perdus, la situation devient assez flippante que notre pauvre pote canidé se fait attaquer et s'enfuit avec tout le gang à ses trousses. On finit la marche comme on peut. Le soir, j'étudie l'odyssée qui m'attend pour rejoindre le Népal à partir de Manali. Je prendrai surement un bus jusqu'à Chandighar (la plaque tournante reliant l'Himachal Pradesh au reste de l'Inde), et ensuite, on verra bien... Un seul certitude: le trajet sera long. Très long.

 

Du 15ème au 17ème jour - De Manali ... à Pokhara (Népal)

Première partie.

 

L'Odyssée

 

Cet épisode ne figure par sur mon carnet de route.

Trop long. Trop épuisant. Trop tout.

Quelques lignes donc pour résumer: je pars de Manali un soir, à 18h. 9 heures de bus jusqu'à Chandigarh que j'atteins au tout petit matin. Le chauffeur nous dépose au milieu de nulle part, au coeur d'une ville-concept construite sur les plans de Le Corbusier, qui s'étend à perte de vue.

Impossible d'envisager le moindre trajet à pied dans ce dédale d'avenues parfaitement alignées, je prends donc un touk-touk jusqu'à la gare de Chandigarh, que je découvre vers 6h du matin. Soyons clairs: quand j'y arrive, je n'ai absolument aucune idée de la manière dont je vais rejoindre le Népal. Je demande alors comment rejoindre Gorakpur, point de départ des bus reliant l'Inde au poste-frontière de Sunauli (mon objectif). (Déjà) Exténué par ma nuit blanche, j'arrive à comprendre que je dois rallier une autre gare, celle d'Ambala, d'où des trains partent vers l'Est. L'attente est longue, pénible.

Un groupe de collégiens s'arrête pas loin de moi, et m'épie sans relâche pendant 20 bonnes minutes. Leurs yeux ne me quittent jamais, et, fatigue aidant, être scruté comme une bête de cirque me fait sortir de mes gonds. Me voilà confronté à mes limites psychologiques. Deux trois insultes partent malgré moi, en français évidemment (ce qui a le don de m'apporter un peu de réconfort). Je m'en veux, mais honnêtement, quand j'y repense, impossible de faire autrement.

Un des gars m'accoste, et je comprends. Aucun du groupe ne parle un mot d'anglais, impossible pour eux de me parler. Donc ils me regardent. Logique. D'ailleurs, c'était la première fois de leur vie qu'ils croisaient un français.

Je chope un train jusqu'à Ambala, où je débarque vers 10h du matin. Je dois maintenant trouver le train de Gorakpur. Une heure d'attente dans le hall archi-bondé ne suffit pas, et je me retrouve démuni. Aucun guichetier ne parle anglais, encore moins le responsable, qui arrive quand même à me signifier par les gestes d'aller consulter les panneaux, tous écrits en Hindi. Pas de billet donc.

Je n'ai qu'un mot à la bouche: "Gorakpur". "Gorakpur'. Gorakpur". Une employée de la gare me baragouine le nom d'un train, dont je ne retiens que la dernière sillabe: "Li". À court de solutions, je m'affale sur un bout de banc. Au bout, d'un quart d'heure les yeux dans le vague, le messie/prophête/sauveur, (c'est selon) m'aborde: un indien de Jaipur, ayant perçu les signaux de détresse qui suintaient de ma pauvre gueule, me tape la causette.

 

Je lui balance mes deux mots-clés en mode jeu télé: Gorakpur - Li. Réponse enthousiaste: "The Armapali Express".  Pyramide. SauvéApparemment, le mec regarde France 2 (Marie-Ange Nardi, si tu me lis...).

Je tiens donc le nom de mon train. En bonus track, le mec m'indique où je dois me rendre. Je lui fais mes révérences, et me dirige vers le Quai 6. 

 

Vers Midi, un train arrive. Je n'ai aucune certitude quant à sa destination. Les réponses des locaux sont très vagues. J'embarque malgré ça dans ce train, sans billet, mais avec l'espoir d'arriver à bon port. Je trouve une banquette libre dans la "Sleepers Class" (l'équivalent de la 3ème classe), où je me pose. J'attrape dès le début le contrôleur et lui expose ma situation. Premier point positif: le train va bien à Gorakpur. Second point positif: l'amende n'est vraiment pas si chère que ça: 600 roupies.

Au bout de deux heures, le train s'arrête. Et là, tout s'agite. On est Vendredi soir, et comme partout, les gens rentrent chez eux. Mais on est en Inde.

En 30 secondes, l'ambiance jusque là assez calme tourne au désordre absolu. Ceux voulant descendre de la rame sont emportés par l'incontrolable foule qui s'y précipite à l'intérieur. Une mère lutte à contre-courant, et hurle entre deux coups de poing sa rage de ne pouvoir s'extraire de l'incessant flot de voyageurs qui tente tant bien que mal de trouver une place à bord.

Le chaos qui y règne est indescriptible. J'observe effaré le spectacle, fait de corps écrasés, de cris, mais aussi de sacs de riz ainsi que de cages remplies de poulets, pénétrant dans ce wagon soudain beaucoup trop exigu. Je dois descendre du bout de banquette que j'occupais pour laisser place à deux gamins, et m'assois sur celle d'en dessous.

Le trajet durera 23 heures, interminables, que je passe privé d'un sommeil impossible à trouver en raison de ma position plus qu'inconfortable (au plus 50 centimètres carré, que je partage avec mon énorme sac et l'officier de l'armée en charge de la sécurité du wagon, qui occupe, allongé, tout le reste du couchage). Tout ça, sans parler des odeurs auxquelles je dois .. m'adapter. D'ailleurs, le nourisson à qui j'avais laissé ma place se charge de ponctuer joyeusement cette épuisante traversée en me vomissant sur les pieds. Les bonheurs simples.

J'arrive à Gorakpur en milieu de matinée. Facile de trouver un bus pour la frontière, tant les rabatteurs sont nombreux (et puis un blanc à gros sac à dos qui débarque à Gorakpur, c'est pas pour grand chose d'autre...). Le chauffeur me place tout au fond, au côté de locaux pas plus vieux que moi.

3 heures de route, et me voilà à la frontière.

Au revoir Inde.

 

 

 

 

 

Un trait jaune + un trait rouge + un trait jaune = 52 heures

On dirait pas comme ça hein?

" Une mère lutte à contre-courant, et hurle entre deux coups de poing sa rage de ne pouvoir s'extraire de l'incessant flot de voyageurs qui tente tant bien que mal de se trouver une place à bord. "

Avant la tempête

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(et un coup de pouce fait toujours plaisir)

Images, vidéos et textes: Christophe Chafcouloff.

Matériel: Canon Eos M + GoPro 3+ Black.

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