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De Srinagar à Jammu : déroutant Cachemire

2ème jour - Srinagar, Cachemire.

 

Les aigles sont les pigeons du coin

 

Ce titre aurait pu être une bonne entête de roman à deux roupies, mais c'est une des observations les plus frappantes que j'ai pu faire aujourd'hui. Pigeon, toujours, je remercie mes boules quiès qui ont bien rempli leur rôle face aux roucoulements desdits volatiles qui partagent ma demeure (eux dans le toît, moi dans le lit).

Première bonne nuit donc, avec couverture chauffante en prime. Au lever, je vais prendre le petit dèj dans la cuisine familiale avec tout le monde. La mère de famille, cuisinière en chef, les 2 filles, le plus jeune garçon, et Imran. J'avais remarqué cette dernière personne dès mon arrivée et sa vue avait suscité une interrogation teintée de mystère à son sujet. J'appris au fil d'une discussion avec Samir, le "référent", qu'il était muet et déficient mental, ce qui ne l'empêche pas, bien au contraire, de montrer sa joie et son enthousiasme quand je lui serre la main ou lui dis bonjour.

Je passe la journée avec mon guide du jour (il a mon âge) qui me fait découvrir le lac (en barque) puis les villages bordant Srinagar. Le concert de klaxons sur les routes est bien folklorique mais on s'y habitue vite. Nous passons dans deux "gardens" où l'on trouve plus de calme. Rien de bien extraordinaire, mais pour un premier jour, c'est suffisant. Le fait d'être "guidé" me va dans ce cadre, mais j'aurai sans doute du mal à m'y faire réellement. Mes hôtes sont là pour "take care of" moi, et je sens leur enthousiasme. Cependant, je ne m'étais pas préparé pour des excursions encadrées et réglées à l'avance, tout simplement car je n'étais pas préparé au Cachermire, avec tout ce qu'il comporte  de différent au niveau politique et sécuritaire. Les formulaires remplis à l'aéroport ne sont pas anodins: mes hôtes sont une responsabilité sur moi, et je comprends leur volonté d'encadrer mes activités. Le mot "take adventure" revient souvent dans leur vocable, au moment de me proposer un programme pour les prochains jours. Sans parler des coûts en plus (que je prends déjà fortement en considération), je ne vois pas "l'aventure" comme la finalité réelle de ces cinq jours, dans la mesure où je pense avoir renoncé aux grandes marches solitaires qui ici, semblent compliquées à réaliser.

Je dois faire comprendre le message que ces 5 premiers jours ne sont pas un accomplissement, mais simplement le début d'un chemin dont je ne veux épuiser les merveilles trop vite.

De simples découvertes me comblent bien assez pour le moment, comme ces aigles dont je parlais dans le titre. J'expliquai à mon guide qu'en France, le rapace fascinait, notamment par sa prestance, l'image qu'il représente, et sa relative rareté. Ici, on en trouve partout, perchés ça et là parmi les habitations. Je me régale de leur ballet aérien, spectacle à la fois magnifique, poétique mais également d'une prodigieuse banalité dans ces contrées. L'aigle a remplacé la pie, et je gagne au change.

Ah oui, j'oubliais, les nuits sont fraiches (voire froides) ici, et ce n'est pas plus mal. Puisqu'on en est aux remarques  en vrac, j'ai vécu mon premier trajet en Jeep aujourd'hui. 4 à l'avant (dont 2 gamins), 4 au milieu, 4 à l'arrière (dont moi). Ici, on sait utiliser l'espace. Les patrouilles de police, AK-47 en bandoullière, chassent sans doute d'autres gibiers que les contrevenants routiers.

J'eus cette conversation avec mon guide (non, je ne me souviens toujours pas de son prénom) à propos de l'état actuel du Cachemire, sa relation à l'Inde, au Pakistan voisin, sa singularité le poussant à revendiquer son indépendance, sa propre monnaie, son drapeau national. Je pus déceler une certaine défiance vis à vis de l'Inde, d'où les problèmes (de criminalité notamment) semblaient venir.

C'est l'heure d'aller manger, allez hop. Tiens en parlant de ça, la bouffe (traditionnelle et typique au possible) est excellente, et mon estomac semble pour le moment s'y être bien accomodé. Pourvu que ça dure, pas comme cet aphte attrapé en France qui m'empêche de sourire en toute décontraction. Heureusement, Maman a prévu le Borax et l'Homéoaphtyl. Cette fois, je vais manger.

Le Cachemire sur une carte

3ème jour - Vallée de Kangan et Naranaag

 

Cricket, avalanches et Las Ketchup

 

Réveil à 9h30 après une nuit tourmentée de rêves pas très réjouissants. Le temps clair dissipe vite ce brouillard matinal. Je retrouve Adnann, mon hôte d'accueil à l'aéroport, avec qui je vais passer la journée à bord d'une Jeep pilotée par un sympathique chauffeur local au nom très injustement oublié. Au cours du trajet vers la vallée de Kangan (2 heures de route), je fus surpris par ces personnes, au bord de la route, qui stoppaient les voitures pour leur donner quelques sucreries faites maison, gratuitement. Le chauffeur m'explique alors qu'il est dans la pratique musulmane d'offrir des victuailles aux inconnus les jours "particuliers", à savoir tous les vendredis, auxquels s'ajoutent les autres dates de célébration du calendrier musulman.

Après ce constat et quelques centaines de nids de poule, nous arrivons à Kandrar, bourgade "paisible" nichée au creux de la vallée (mais tout de même à 1800m), et nous arrêtons prendre le thé ainsi que quelques samoussas dans une minuscule échoppe.

L'approche des zones enneigées (limite pluie-neige vers 2000m) me rappelle la raison de ma venue dans ces contrées, et c'est avec entrain que je quittai la Jeep pour fouler les premiers vrais sentiers himalayiens de mon périple. Peu de choses peuvent décrire le sensation d'enfoncer dans une vallée parfaitement inconnue, où les seules traces humaines demeurent celles, éphémères, laissées dans la neige fraichement tombée. Nous longeons un versant d'où nous observons les impressionnantes arrivées d'avalanches ayant fini leur course dans la rivière en contrebas. Adnann me parle des mythes bien réels de la région, me rappelant que les montagnes nous surplombant abritent tigres et léopards des neiges.

La pluie sonne alors la fin de la marche, et nous ramène tranquillement au véhicule.

Pendant la descente, le pilote (le qualificatif n'est pas choisi au hasard) décide de nous faire emprunter un autre chemin à flanc de montagne. Les documentaires sur les fameuses "routes de l'impossible" que j'avais visionnés y trouvent alors une formidable application pratique. Nous cheminons le long de ces incertaines bandes de terre et roche mêlées, sculptées dans une pente abrupte d'où se détachent de capricieux blocs de pierre, dont la pluie printanière facilite l'accomplissement de leurs vélléités de mouvement (brutal) vers le bas. Je n'ai le souvenir d'aucune peur à ce moment, juste l'excitation et l'assurance d'être entre de bonnes mains. Je découvre en outre les gouts musicaux "made in Cachemire", finalement pas si éloignés des standards européens du milieu des années 2000 (traverser un village d'une vallée perdue du Cachemire au son de Las Ketchup est une expérience à vivre).

Lors du retour en barque vers le boat-house, je prends quelques minutes les commandes du bout du bois flottant et donne quelques coups de rame. Il est loin le temps de l'aviron sur le plan d'eau d'Embrun.

J'arrive à envoyer mon premier (long) mail, après une lutte perdue contre le clavier qwerty. Pas grave, ce soir, il y a Inde-Pakistan à la TV (c'est du cricket). C'est définitif, je n'y comprendrai jamais rien (je parle des règles hein). Le début de nuit n'est pas serein. Quelque chose n'a pas bien dû passer à midi. Je me rue sur la pharmacie dès les premiers maux de ventre. Un Spasfon et 2 Imodium plus tard, tout va mieux. Avertissement sans frais, donc.

 

 

 

On pagaie, on pagaie.

Où t'as mis la pagaie?

4ème jour - House-boat au Dhal Lake

 

Cultures générales

 

Allah soit loué (je m'adapte), l'Imodium fit son effet et ma nuit passe sans encombres. Je préférai cependant assurer les prochains jours en restant sur place, sans grande activité prévue aujourd'hui.

J'en profite alors pour finir d'encaisser le décalage horaire à grands coups de grasse matinée et de siestes bien placées. Je réalise également que mes réserves en roupies ne sont pas aussi grandes qu'escompté, et qu'il va falloir jouer malin afin d'éviter tout désagrément comptable. Le thé de 17h me permet de constater qu'ici, le rot s'intègre au savoir-vivre d'après-repas. Je ne suis toutefois pas frappé par cette spécificité locale, dans la mesire pù la pratique ne nous est pas étrangère à la maison... Se lance alors un long temps de discussion entre Bilal, Samir, et moi. Assis à même le sol, nous débattons sur la suite de mon voyage et des destinations à envisager.

Ces 20 premières minutes écoulées, nous bifurquons alors vers des thèmes plus avancés. Au programme: immigration, keynésianisme, Fukushima, guerre en Irak, OGM, et théorie du complot. Tout y passe, et la conversation prend une dimension quasi-épique au moment où nous dressons le parallèle (ou plutôt les différences) entre George Bush Junior et Adolf Hitler, un de mes hôtes précisant (à raison?) qu'un "ne pensait qu'à l'argent et à sa gueule", et pas l'autre. La mise en situation géographique de cet échange entre l'occidental  que je suis et mes hôtes, musulmans pratiquants au fin fond du Cachemire à quelques centaines de kilomètres des zones tribales du Pakistan sous contrôle taliban m'arrache un large sourire, malgré l'aphte qui contenue à me torturer la lèvre inférieure.

Pendant le dîner, je me force à retenir les noms de mes anges-gardiennes en cuisine (la mère Misra, et les deux filles, Kushi et Nilo). Je descends mon riz aux légumes devant la version bollywoodienne des Oscars, à laquelle succède une curieuse émission, mélange de "L'Inde a un incroyable talent", d'Ecole des Fans, et de Danse avec les stars. Les animateurs alternent d'ailleurs entre Hindi et angalis, c'est assez marrant.

La journée s'achève avec une description détaillée de l'animal qui selon moi, dominera le monde à son terme: le poulpe. Mon audience, qui n'avait jamais entendu parler de céphalopode, semble assez surprise. Y a de quoi.

 

 

 

Le débat est ouvert

5ème jour - Préparation du départ

 

Attentes

 

La première grosse averse de mon voyage ne perturbe pas mon avant-dernière nuit ici. Je suis plus occupé à planifier mes prochains retraits d'espèces, qui s'avèrent bien plus complexes que prévu. Mon erreur: avoir retiré à Roissy une somme assez conséquente qui bloque mes possibilités de retrait "massif" pour le reste de la semaine. Pas grave, je me débrouillerai. Je parle avec Samir de ma prochaine destination: Shimla. L'éloignement m'oblige à prévoir un trajet en 2 étapes: de Srinagar à Jammu en Jeep, puis de Jammu à Shimla en bus, chacune des étapes prenant environ 6-7 heures de route... en conditions normales. Mais on est au Cachemire et ce facteur devra sûrement être pris en compte.

La journée passe assez rapidement sans trop de choses à signaler sauf les pourboires versés à l'équipe du house-boat, dont le volume ne semble les satisfaire qu'à moitié. J'aurais bien donné plus, mais cette semaine imprévue au Cachemire me force à surveiller mes comptes plus tôt prévu. Ah, j'ai remarqué un truc aussi. Ici, on ne hoche pas beaucoup la tête. Le geste est remplacé par une sorte mouvement sur le côté, accompagné d'une légère moue. C'est à la fin d'une transaction visant l'acquisition de bananes à un marchant ambulant que j'ai dressé ce constat. Allez, je vais finir mon sac, une grosse journée m'attend demain.

6ème jour - Srinagar-Jammu (trajet en Jeep, 272km, 16h)

 

Le jour le plus long

 

Il est certains moments, certaines situations, où l'imprévu devient parfaitement prévisible. La combinaison du jour (long trajet + route de montagne + Cachemire + pluie/neige + printemps) donnait certes quelques indications.

Je me lève ce matin avec l'espoir d'être à Shimla dans 24h. Le dernier petit-déjeuner, pris de bonne heure (7h30), m'assure de tenir la matinée. Dès le départ du house-boat (et après avoir dit au revoir à chacun), Adnaan m'avertit: la seule route reliant Srinagar à Jammu passe par les montagnes, et il n'est pas rare que celle-ci soit bloquée pour une raison ou une autre. La pluie régulière, qui tombe depuis le début de nuit dernière n'arrange pas optimisme. Après une demi-heure d'attente, j'embarque néanmoins dans la Jeep menant à Jammu. J'hérite de la place du cancre (ou plutôt du touriste solitaire), tout au fond à droite, où mes jambes ont déjà du mal à trouver une place. Chauffeur inclus, nous sommes donc 9 personnes  (3 à l'avant, 3 au milieu, 3 à l'arrière) à prendre la route longue de 272 kilomètres entre Srinagar et Jammu (que des locaux, sauf moi). Malgré les secousses, les premières heures se passent plutôt bien. Nous traversons villages et campagne jusqu'aux premières rampes de la montée vers le poste de douane. Dans la pluie et le vent, je remplis le formulaire attestant de ma sortie du Nord-Cachemire vers le Sud, où la présence militaire se fait immédiatement moins flagrante. La pause-déjeuner nous arrête dans une cantine en bord de route à l'extrémité du dernier village de montagne avant la portion la plus élevée. Seul et un peu perdu, je suis notre chauffeur, m'installe à sa table (rustique), et commande un bon vieux riz-poulet classique mais efficace. Les couverts étant prohibés, je mange à la locale, avec les doigts, et seulement de la main droite. L'ensemble est très épicé mais je commence à m'y faire. Je reprends même deux fois du riz, me disant qu'il s'agit peut être du dernier vrai repas avant de très longues heures.

La bande de béton coulée à flanc de montagne nous fait traverser des paysages grandioses. Le vert intense des rizières laisse parfois brutalement place à des pans déchirés par les glissements de terrain, fréquents sur des pentes si abruptes. Notre voiture s'arrête alors en pleine montée, bloquée par le trafic (nous en sommes à 5h de route). La "Highway trafic Police" coupe l'accès, et personne ne déroge à la règle. Deux heures passent ainsi, à l'arrêt, où je profite de l'endroit pour prendre quelques photos. Vers 15h, nous apercevons du mouvement du côté des voitures en amont. Mauvaise nouvelle: nous sommes contraints de redescendre au village en contrebas. Je reprends à nouveau mon appareil et décide de passer le temps en jouant au cinéaste.

Sur les coups de 17h, un mouvement plus positif s'amorce: le trafic "va reprendre". C'est seulement à ce moment que j'apprends que 300 mètres plus haut, un glissement de terrain avait enseveli la voie, et que les engins de déblaiement avaient fini leur oeuvre. L'attente (qui commence à être interminable) me permet de constater l'absence totale de conscience environnementale chez beaucoup d'Indiens. La file de voitures à l'arrêt est également une procession de déchets plastiques (paquets de chips en tête), que les passagers jettent directement par la fenêtre sur la chaussée, transformant la route sauvage en une décharge à ciel ouvert. Dans un paysage aussi grandiose, cette vision m'attriste réellement. Au rayon "douleurs", mes jambes et mon postérieur commencent aussi sérieusement à siffler, et nous n'en sommes même pas à la moitié du trajet...

Après une bonne heure supplémentaire, le trafic reprend enfin, agrémenté des mélodies parfois improbables chantées par les klaxons des camions et bus locaux. Autre remarque "en vrac": je suis tombé sur un panneau de la "sécurité routière" locale affichant comme conseil: "Drive with your ears". Je comprends désormais mieux l'usage du klaxon, ainsi légitimé par les autorités.

La conduite énergique (doux euphémisme) de notre pilote commence à faire quelques dégats. Après 11h de voyage, les nids de poule passent moins bien, de surcoit à l'arrière. Un passager plus agé que les autres cède à l'appel du sac plastique, après que son estomac fut vaincu par les coups de boutoir des virages pris à vitesse soutenue. Vers 23h (soit à la 14ème heure de notre désormais odyssée), nous nous arrêtons quelques minutes pour une réconfortante pause-thé, que je partage avec 3 de mes compagnons d'infortune. Je lutte tant bien que mal contre le sommeil, qui me donne mal au coeur dès que je ferme les yeux (sic).

C'est donc avec un regard fermement fixé sur la route que j'assiste à nos derniers kilomètres vers Jammu, avec toujours aucune idée de l'endroit où je vais passer la nuit. Sauf qu'à l'instar des marathons, les derniers kilomètres sont toujours les plus durs, en particulier pour notre roue arrière droite qui jette l'éponge après 250 kilomètres de souffrance. Dans le froid et sous une pluie battante, nous sortons nous du véhicule, en attendant que le chauffeur nous démontre ses talents de mécano (prévoyant, je lui fournis la petite lampe torche que j'avais placée dans mon sac le matin même).

Nous atteignons ENFIN Jammu à 1h du matin, au terme d'un trajet épiquement interminable de 272 tortueux kilomètres, et surtout 16 heures, dont mes os illiaques garderont un cuisant et douloureux souvenir.

A la sorie de notre galère à 4 roues, un homme en turban m'accoste pour un hôtel. Je me renseigne sur le prix: 1000 roupies, ça fera l'affaire. Je jette mon sac dans le touk-touk et me laisse conduire à travers les ruelles désertes de Jammu jusqu'à une guest-house, où nous sommes reçus par une meute de chiens pas franchement accueillants.

Je mets enfin les pieds là où j'espère être depuis ce matin: un endroit où dormir. Le registre signé et la somme payée, je détends mon esprit et me dirige fatigué mais apaisé vers ma modeste chambre. Relâchement coupable, puisque 10 mètres avant la porte, mes lacets ont la lumineuse idée de s'emmêler aux crochets de mes chaussures de rando. Démuni, je m'explose alors sur le carrelage en m'étalant de tout mon long, après un vol plané aussi grotesque que limpide. Mon genou gauche cogne violemment le sol. Ca fait mal, mais ce n'est qu'un coup. Le sac défait et les dents brossées, je m'effondre sur mon lit, au terme de ce qui pourrait bien être la plus longue journée de ma vie. Je trouve le sommeil pour quelques heures, avant qu'une démangeaison ne me réveille: le siège de la Jeep avait encore laissé quelques souvenirs à mon postérieur, dont l'épiderme semble ne pas avoir encaissé les secousses répétées sans dommages. Je cherche alors dans ma trousse à pharmacie: de l'Apaisyl, contre les piqures d'insectes, et une pommade antibiotique contre les infections de la peau. Les deux y passeront, et je retrouverai un sommeil plus que réparateur. La suite du trajet attendra, chaque chose en son temps.

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Le Cachemire sur une carte

Sur la route de Jammu

7ème jour - Jammu

 

D'un monde à l'autre

 

 

Me voilà donc à Jammu, après un périple dont je me souviendrai à vie. Je loge dans une modeste chambre très sombre en bout de couloir. L'ensemble a l'allure des vieux motels impersonnels que l'on voit parfois dans l'Amérique rurale des années 80. Tout cela étant dit, je me satisfais entièrement de mon logis du jour, situé au coeur du "Vieux Jammu", centre-ville perché à flanc de colline, aux rues étroites et colorées par les dizaines de magasins de textile traditionnel. Il se dégage de ce quartier une impression de marché permanent, où chaque ruelle a sa spécialité  (textile, pharmaciens, médecins, agences de transport). Je profitai de la fraîcheur matinale pour découvrir à pied les environs. Même si je suis observé comme une bête de cirque (je n'ai croisé aucun autre "Occidental" de la journée), je prends un réel plaisir à arpenter ce dédale de voies piétonnes (hors quelques téméraires touk-touks bravant la foule), plus colorées, bruyantes et vivantes les unes que les autres.

L'atmosphère, bien plus chaude et humide qu'à Srinagar m'oblige (avec plaisir) à une sieste aux heures chaudes de l'après-midi. Je constate que le changement de vallée me fait côtoyer une population tout à fait différente. Ici, la communauté sikh est majoritaire, avec bien plus d'Hindouistes et très peu de musulmans. Ces quelques cetnaines de kilomètres vers le Sud m'ont réellement fait changer d'univers, que j'explore d'un pas ferme et décidé (la clé pour ne pas trop se faire aborder dans la rue).

Je tombai aussi sur un "Tourist Reception Centre", où je me procurai une carte (sommaire) de Jammu et du Cachemire, qui me permet de resituer plus précisément mon trajet des derniers jours. De retour à ma chambre, je profitai de la douceur du début de soirée pour m'installer sur une terrasse en balcon donnant sur une cour intérieure, à l'ambiance bien plus calme, où je rédigeai ces quelques lignes. Je prendrai demain le chemin de Shimla ou Manali (selon horaires et envie). D'ici là, cette étape improvisée continue de combler ma soif d'inconnu.

 

 

 

Raghunath Bazar - Jammu

8ème jour - Jammu

 

Faire le point

 

La nuit me porte conseil: je dois y voir plus clair concernant la semaine à venir. Je me réveille un peu plus tôt (9h du matin, tout de même), afin de profiter des heures fraiches de la matinée.

De retour au centre touristique visité la veille, je demande la direction de la gare routière ainsi que notre emplacement sur la carte, histoire de me repérer un peu mieux. Je réalise alors que l'impression de "marché permanent" dont je parlais hier n'est pas un hasard, puisque ma guest-house se trouve du "Raghunath Bazar". Tu m'étonnes..

Je me rends donc à la gare routière de Jammu, à 5 minutes de touk-touk, avec l'espoir d'y trouver les informations concernant mon trajet vers Shimla ou Manali. Le grand hall est un spectacle à lui tout seul, assez loin des standards européens. Ici, pas de tableau d'affichage des destinations ou horaires. L'annonce est assurée par les chauffeurs 5 minutes avant le départ. Je me rends au comptoir principal, où je n'obtiens qu'un fugace "I don't know" en guise de réponse. En insistant auprès d'un 2ème agent, j'obtiens un horaire: 16h, bus vers Manali. Le gars ne semble lui-même pas très convaincu par l'info qu'il m'annonce et à la vue du cahier d'où il la tire, je préfère aller voir ailleurs. Le problème est que justement, j'ignore où est cet ailleurs. Ma préoccupation est alors simple: je dois trouver un cyber-café d'où organiser mes prochains jours. 2ème problème: je n'ai absolument aucune idée de leur localisation, et les "I don't know" récoltés auprès de divers commerçants ne m'avancent pas plus. L'aiguille et la botte de foin, donc.

Après brève consultation de la carte, je décide d'orienter mes recherches vers le quartier plus au Sud. Après 20 minutes de marche à travers la vieille-ville, je traverse l'imposante rivière "Tawi" (qui a plus l'air d'un fleuve) par le pont que je partage avec camions, motos, voitures, et leurs volutes de fumée. L'air chaud et pollué est assez suffocant, mais j'atteins l'autre rive sans gêne. Aussitôt arrivé de l'autre côté: bingo. J'aperçois la salvatrice enseigne "Internet", et m'installe au "Student Corner", petit cyber-café multiservices.

Je squatte le poste au fond de la salle pendant une bonne heure et demi, d'où j'obtiens les renseignements utiles pour la semaine à venir, dont l'adresse d'une compagnie de transports assurant des liaisons par bus vers Manali. Je récupère également les contacts de guest-houses à Shimla et dans la région du Kinnaur (dont la vallée de Sangla, près de la frontière chinoise, que je compte explorer après mes quelques jours à Manali). Une fois le mail à la famille et aux amis envoyé, je me rends directement à l'adresse de la compagnie de transports, où j'obtiens mon billet pour Manali: départ demain à 20h. Ca c'est fait. Les 600 roupies demandées (environ 8€) pour un si long trajet (plus de 700 kilomètres) ne sont pas exagérées.

 

De retour à ma chambre, je fais le bilan à date de mes finances: ça va bien mieux. Ces quelques jours d'austérité à Jammu (bananes au menu) me permettent d'envisager la suite plus sereinement. La beauté de la ville fait que je ne perds pas non plus mon temps. Je décide de me rendre au temps sikh de Ragunath, où la police me demande de ranger sac et appareil photo (Canon + GoPro) dans une consigne (photos interdites). Vu le contenu (+ les espèces restantes), je préfère être trop prudent et me contenter des vues extérieures du temple, dont on peut admirer les élégantes toitures depuis la rue.

J'occupe mon début de soirée avec une petite séance lessive où je lave 2 T-shirts, une paire de chaussette, et un pantalon qui en avait bien besoin.

Je redescends brièvement dans les rues avec 20 roupies en poche (la nuit est tombée) chercher une bouteille d'eau. Celle que j'avais achetée il y a quelques heures n'avait plus sa goupille, et avec ça, je suis volontiers paranoïaque. Au moment de me poser pour écrire ces lignes, j'observe un truc: sur les 4 bouteilles disposées sur la table basse, 3 sont "inconsommables" (car sans goupille). Entre quelques litres gaspillés et un ventre retourné, je choisis la première option. Là dessus, on est jamais trop prudents.

 

 

 

Un soir à Jammu

9ème/10ème jour - Jammu-Manali (Bus, 15h)

 

Lentement mais surement

 

 

Aujourd'hui est le jour de transition par excellence. Bus pour Manali annoncé pour 20h. Je dois donc meubler ma journée jusqu'au soir, avant une (très longue) nuit jusqu'aux montagnes de l'Himachal Pradesh. J'arrive à obtenir un check-out retardé à 15h (au lieu de midi) afin de ne pas errer trop longtemps au MacDo (et oui) où je me rends ensuite pour profiter de l'air plus frais que celui des suffocantes rues de Jammu. J'attends ensuite une petite heure à la gare routière avant d'embarquer dans le bus où je croise le premier occidental depuis mon arrivée à Delhi: Diego, un portugais de 25 ans en voyage à travers l'Inde depuis dejà 2 mois. Après une bagarre assez folklorique entre le chauffeur et une bande d'énervés (pas très impressionnants) bien entamés au Whisky premier prix à l'extérieur du bus, nous nous mettons en route pour 15 heures de trajet, crevaison, bouchons, et pauses-thé inclus.

L'arrivée dans la vallée de Kullu est aussi majestueuse, de par le gigantisme de ses apics tantôt rocheux tantôt verdoyants, que chaotique, de par l'état indescriptible de certaines portions de la seule route reliant ce coin montagneux d'Inde au reste du pays. Je reste stupéfait par son "bon" développement global, compte-tenu d'une liaison routière aussi catastrophique.

Une froide et soutenue pluie nous attend à la sortie du bus, et nous nous empressons (après un réconfortant tchaï) de trouver un taxi pour "Old Manali". Je dis "nous" car Diego et moi décidâmes, après quelques marrantes discussions, de trouver ensemble une guest-house. Après une première négociation infructueuse au "Mountain Dew", un gars du coin nous aborde. 400 roupies la chambre, Wifi et douche chaude, on y va.

Nous posons nos sacs dans la chambre double que nous choisissons de partager. En dépit du mauvais temps, l'ambiance est vraiment chaleureuse et conviviale, Nous en profitons pour parler une bonne heure avec le patron, Anand, "born and grown" à Manali, et ancien guide de montagne dans le coin. Inutile donc de préciser que le courant passe tout de suite très bien. Bonnes nouvelles, toujours, les prévisions sont excellentes pour les prochains jours. En attendant le ciel bleu, je pars me coucher de bonne heure. Vivement demain.

 

 

 

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